Entretien avec... Fabienne Thomas

 Bonjour Fabienne Thomas, quelques uns de nos anciens lecteurs vous connaissent déjà puisque vous avez participé à deux projets en milieu scolaire avec nous en 2011 et 2012 (1) en tant qu’animatrice des ateliers d’écriture. Mais, pouvez-vous vous présenter aux autres ?

Bonjour. J'aime la simplicité, la nature, les découvertes et les rencontres, la vie... J'aime écrire et j'ai la chance d'en faire mon métier. Mon parcours est fortement marqué par l'expérience du handicap de ma fille, qui m'a ouvert à un autre monde et m'a humainement enrichie.


Vous êtes l’auteure de deux romans : « Ombre portée » (2) et « L’enfant roman » (3). Nous avons le plaisir de diffuser ce dernier depuis quelques semaines. Cette histoire s’intègre, en effet, parfaitement dans notre ligne éditoriale. De quoi parle « L’enfant roman » ?

Lorsque Clara arrive au monde avec un handicap, le monde s'écroule pour ses tout jeunes parents. L'enfant roman est le récit de cette épreuve de perte de sens et de repères. Au fil du temps, Baptiste et Violette passeront de l'anéantissement à la reconstruction et à la renaissance. L'enfant roman est avant tout un roman d'amour, qui rend grâce à la vie.


Le sujet du handicap est encore parfois tabou dans notre société. Vous en faites le thème central de votre roman, n’était-ce pas à la fois osé et risqué ?

Comment faire avec ce que la vie nous inflige parfois ? Comment une épreuve peut-elle nous amener ailleurs, plus loin ? C'est ce thème, universel dans nos destinées humaines, que je souhaitais explorer. Il se trouve que, pour Violette et Baptiste, cette épreuve est celle du handicap. Je sais que c'est un livre que tout le monde n'est pas prêt à lire. Mais de nombreux lecteurs ont témoigné avoir été touchés par cette histoire. Cela doit nous encourager à aborder des sujets comme celui-là.


Votre écriture exprime avec beaucoup de finesse et de justesse les sentiments des personnages mais surtout de Violette la mère. Avez-vous éprouvé de l’aisance ou à l’inverse de la difficulté pour construire ce personnage et lui donner chair ?

Le personnage de Violette s'est nourri de mon expérience personnelle, d'une sorte d'urgence d'écrire un peu mystérieuse qui me fait poser les mots sur le papier puis travailler cette matière première pour faire exister, donner forme. J'avais à cœur de partager les sentiments dérangeants, violents, honteux qu'éprouve Violette envers sa fille. J'avais envie de montrer sa lente transformation, cette approche de l'essentiel et de la sincérité que cette enfant lui fait découvrir. Et besoin de le faire sous la forme du roman.


À partir de l’annonce du handicap, quel est le cheminement des parents vers l’acceptation de leur enfant ?

Le cheminement des parents fait écho aux étapes traversées lors d'un deuil, car il s'agit du deuil d'un enfant idéal. Aucun enfant n'est conforme à celui fantasmé par les parents. Lorsque surgit le handicap, cet écart s'impose violemment. Lorsque Violette regarde sa fille telle qu'elle est, et non telle qu'elle voudrait qu'elle soit, il me semble qu'elle a fait un grand pas vers l'acceptation.


Lorsque Violette décide de résister, de lutter, de ne pas se laisser abattre, vous la comparez à une guerrière (« une mère-guerrière »). Accepter le handicap est-il un combat ?

Le handicap nous emmène à mener différents combats. Dans le roman, Violette combat d'abord pour gagner contre le handicap, pour le prendre de vitesse, l'éliminer. Puis, elle combat contre elle-même pour accepter la réalité, renoncer à la toute-puissance, faire confiance à la vie.

Au-delà de la question de l'acceptation, vivre au jour le jour avec le handicap, accompagner son enfant différent pour qu'il grandisse dans un monde qui n'est pas à sa mesure, l'aider à trouver sa place, construire pas à pas son parcours et son projet de vie, avoir à se justifier parfois, faire avec les regards portés sur la différence, sont des combats que les personnes concernées par le handicap mènent au quotidien.


Deux personnages sont plus en retrait dans le livre : Baptiste, le père et Alice, la belle-sœur. Pouvez-vous nous en parler un peu ?

Baptiste est aux prises avec son propre cheminement de père par rapport au handicap de sa fille, et aussi avec la détresse de sa compagne. C'est pourtant un personnage repère, fiable.
Alice, elle, représente l'oxygène, sa présence apporte un bol d'air aux jeunes parents.
Ce sont deux personnages importants du roman.


Votre roman raconte une rencontre et une découverte : rencontre entre des parents et leur enfant (un enfant qui cache un mystère dites-vous), découverte de la différence et de sa richesse. Pensez-vous que la thème de la différence et surtout celui du handicap sont assez présents en littérature ?

La littérature contribue à ouvrir les esprits, elle combat l'uniformité. Elle reste donc un moyen privilégié pour appréhender l'humain. C'est parce que l'autre est différent de moi qu'il y a rencontre, découverte, enrichissement mutuel. Je souhaite que le livre continue à être un vecteur d'émotion et de réflexion sur ce thème.


Pourquoi avoir titré votre livre « L’enfant roman » ?

L'enfant roman, c'est cet enfant imaginaire que la réalité bouscule plus ou moins. C'est ce rêve d'enfant qui est évoqué et mis à l'épreuve dans le livre. L'enfant roman, c'est aussi cette ré-élaboration par le roman, cette reconstruction, cette possibilité de re-création qu'offre l'écriture.


Est-ce que votre roman était en "gestation" depuis longtemps ou avez-vous eu envie, à un moment précis, de mettre sur papier cette histoire ? Quel a été votre processus de création ?

Je ne sais pas vraiment à quel moment le cœur du roman a commencé à battre ! C'est plutôt une gestation, en effet, avec sa part de mystère et de confiance. Il y a d'abord eu des textes isolés, écrits sans projet véritable, reliés entre eux pourtant par une thématique, une couleur commune. Je les revisite, les personnages s'incarnent, une trame apparaît. À partir de là, une histoire peut naître.

 

Propos recueillir par Élisabeth Chabot, chargée de projet à Grandir d'un Monde à l'Autre

 

(1) Création d’un livre avec des élèves de CP, CE1 et CLIS de l’école Robert Doisneau à La-Chapelle-sur-Erdre et d’un roman avec des élèves de 5ème et d’ULIS du collège Notre-Dame au Loroux-Bottereau.

(2) Editions du Petit véhicule

(3) Editions Passiflore

Pour acheter L'enfant roman c'est par : ici

 

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