Association Grandir d'un Monde à l'Autre

Frédéric Philibert habite près de Saint Etienne. Il est dessinateur et réalise également des films d’animation. L’un d’eux, le court-métrage « Mon petit frère de la lune » raconte le quotidien d’un petit garçon autiste, à travers les mots et la voix de sa grande sœur de 6 ans. Des dessins épurés et poétiques, des mots graves et légers à la fois. Ce film a tellement marqué les membres de notre association, que nous avons proposé au réalisateur d’adapter son livre en album. Il a tout de suite accepté, et pour cause. Il y pensait depuis longtemps. En attendant la sortie du livre à l’automne, Frédéric Philibert nous a accordé un entretien pour présenter son film et ce projet.

Grandir d’un monde à l’autre : Comment est né le film d’animation Mon Petit frère de la Lune ?

Frédéric Philibert :  C’est tout simplement notre famille. Quand mon fils avait 2 ans, un pédopsychiatre nous a demandé de suivre une thérapie de couple, en nous expliquant que si notre fils était autiste, c’était sans doute parce qu’il y avait des soucis entre nous !
Un médecin avec trente ans de retard, qui voulait nous faire porter la faute. Nous avons refusé la thérapie de couple, mais nous nous sommes dit ce jour-là, avec mon épouse, qu’en revanche nous pourrions sans doute raconter bien des choses en faisant notre film. Quelques temps plus tard à la MDPH (Maison départementale des personnes handicapées), ma femme a vu une affiche annonçant un festival du film sur le handicap et ce fut le déclencheur. Il nous restait deux mois avant le festival et le film a été réalisé en un temps record !

Grandir d’un monde à l’autre : Ce film a-t-il changé votre propre vécu de l’autisme et a-t-il aidé d’autres personnes ?

Frédéric Philibert : C’était une période difficile pour nous et le film nous a permis de dédramatiser et de dire aussi que ce n’était pas notre faute ! C’était aussi un cadeau que nous voulions offrir à notre fils.
Le film a remporté deux prix à ce fameux festival dont l’un a été remis directement à ma fille et ce fut quelque chose de très important pour elle également, de vivre une expérience positive autour de la maladie de son petit frère,  dont elle souffrait aussi beaucoup à l’époque. Pour d’autres parents, Mon Petit frère de la Lune est devenu une aide pour expliquer aux instituteurs, aux centres sociaux, aux professionnels, qui sont leurs enfants autistes. Ils nous disent tous qu’ils retrouvent exactement leur enfant et finalement ce film parle à leur place dans des situations où ils ont l’impression de ne pas être bien compris. Un papa m’a un jour acheté onze DVD et m’a expliqué que son fils autiste était grand maintenant mais qu’il voulait offrir un DVD à chaque membre de sa famille pour qu’il sache comment il avait été enfant !

Grandir d’un monde à l’autre : Vous avez facilement accepté pour nous, la nouvelle aventure “papier” de Mon petit frère de la lune, pourquoi ?

Frédéric Philibert : J’ai toujours pensé que le film d’animation devrait aussi exister en livre un jour. Mais moi, ma spécialité, c’est tout ce qui bouge !! Alors j’avais différé ce travail.
Aujourd’hui, j’ai beaucoup de plaisir à m’y remettre, parce que le film a vécu une belle vie dans les festivals, à la télévision, dans des conférences et ce livre est une façon de lui offrir une autre aventure.
Mais la grande question aujourd’hui c’est comment faire en sorte que le livre apporte un vrai plus, par rapport au film. Je ne vais pas tout vous dévoiler, mais je pense, par exemple, que tout ce que j’ai dû dire en très court dans le film, pourra être plus illustré dans le livre.
Dans le film il est question de mon fils qui s’arrête devant tout ce qui est rond dans la rue, par exemple les bouches d’égout ! Je pense que dans le livre, je vais creuser davantage cette situation à la fois drôle et étrange et faire mieux pénétrer encore le lecteur dans l’univers de mon fils en montrant à quel point ces situations sont nombreuses dans la rue : il y a les bouches d’égout, mais également les panneaux de circulation et bien d’autres choses encore…jusqu’au camion de pizza !!!! Je pense en effet que la clé du livre sera dans la façon d’illustrer plus en détails toutes les situations que j’abordais dans le film.

Grandir d’un monde à l’autre : Ce n’est pas trop difficile d’exhumer tous vos dessins, de replonger 5 ans en arrière et de reprendre cette narration ?

Frédéric Philibert : Non, vraiment, je suis très satisfait de m’y remettre. Pour l’instant, ce travail chemine en silence, je fais quelque croquis. Bientôt je vais m’y mettre complètement et je ne ferai plus que ça ! Et puis surtout, depuis que le film existe, on m’a toujours demandé s’il existait aussi le livre. Et bien maintenant je pourrais dire enfin OUI !!!!

Propos recueillis par Estelle Labarthe-Meyer