Association Grandir d'un Monde à l'Autre

par Olivier Raballand

Dans une famille, on est tous tributaire les uns des autres. Le malheur de l’un fait le malheur de tous.
Réfléchissant à cette citation de Germaine Versailles*, je me demandais si le mot  malheur pouvait se substituer au mot bonheur. Sans doute cela est-il aussi vrai que faux mais il n’est pas toujours évident de débuter un éditorial et une citation peut s’avérer utile, non ?
Consacrer une journée à la question de la fratrie et du handicap, c’est avant toute chose considérer que la famille est un système dont les frères et les sœurs sont les acteurs principaux. C’est également se poser la question de la fratrie « ordinaire » et s’intéresser aux relations fraternelles, en général, marquées notamment par la jalousie, le sentiment d’injustice et la rivalité. Enfin, c’est également questionner les notions de singularité et de différence par opposition à l’ordinaire et au commun.
Quelques années plus tôt, lorsque je réalisais, avec mon compère Rémy Viville, le film  Mon frère, Ma sœur et… le Handicap , un ami un peu lointain, géographiquement, m’a lancé cette boutade et le prochain film sera sur les cousins qui ont d’autres cousins handicapés ?
J’étais la tête dans le guidon à enchaîner interviews de frères et de sœurs, de professionnels aussi, et cette petite phrase m’a permis de mesurer l’écart entre mes préoccupations et les siennes, écart qui me sembla révélateur du difficile rapport à la question du handicap de notre société.
Ce film est directement lié à cette journée de colloque du 28 mars 2009, il m’est vite apparu que je ne pourrai concentrer en 26 minutes autant de témoignages et d’informations sur le sujet. Cela m’a encouragé à réfléchir au moyen d’y dédier un temps spécifique, dont cette lettre spéciale de Regards d’un Monde à l’Autre présente les différents contenus.
Un temps défini pour ceux qui restent dans l’ombre, le frère de… la sœur de…, trop souvent la parole retenue, interdite, censurée et, plus encore, autocensurée, le sentiment de  balancer entre l’envie de dire moi j’existe et il faut aussi penser à moi de temps en temps ** et la nécessité de laisser la place à celui, à celle qui demande forcément plus de disponibilité, plus d’attention.
Cette journée est également la conséquence de mes observations, en tant que parent, de mes enfants. À force de les regarder grandir, rire, pleurer, trébucher, retenir, exprimer mal, mais exprimer tout de même, la douleur et le bonheur mêlés d’être ce frère-là, cette sœur-là.

     

                                                             

* Romancière québécoise née en 1937.
** Extrait des paroles d’une jeune interviewée pour le film Mon frère, Ma sœur et… le Handicap.